Le Débat ; comment enseigner le français ? (mai-août 2005, no.135)
Le
numéro s'ouvre sur un entretien avec Alain Viala, responsable de la
réforme actuelle. La justification n'est pas facile ; les programmes
démontrent chaque jour - dans les classes et les IUFM - la nocivité de
leurs
intitulés. Ce qui est touchant chez Viala, c'est son insistance à
laisser entendre que son interlocuteur, en l'occurence le journal Le Débat,
n'est pas tout à fait capable de poser des questions audibles (la
maîtrise des discours a sans doute fait défaut à ses
rédacteurs ; ils n'ont pas bénéficiés, hélas, de la réforme).
Après cette mise en bouche où la mauvaise foi émaille une tentative de justification, Le Débat
sonne la charge, et c'est à la fois plaisant - et révoltant - pour ceux
qui depuis longtemps ont formulé ces analyses. Elles sont cependant
réunies aujourd'hui sous un seul volume, et dans un équipage qui fera
date. Gilles de Robien, au lieu d'écouter le million d'intervenants
concernés de près ou de loin par l'Education Nationale, peut lire ce
numéro (nous sommes quelques uns à savoir qu'il l'a déjà fait).
La revue débute véritablement avec Mireille
Grange et Michel Leroux qui s'attachent aux programmes du collèges. Il y a
là l'essentiel sur l'imposture qui a simplement consisté à décloisonner les
différents savoirs relayés par l'enseignement du français, oubliant au
passage - et c'est commode - qu'un texte littéraire pouvait produire du
sens, des sens.
Sacrifié, le texte littéraire n'est que le valet de notions
grammaticales, linguistiques, stylistiques, sémiotiques,
orthographiques, sémiosyntaxiques, etc... etc... La liste est infinie.
La dilution, digne des meilleurs procédés homéopathiques. Evidemment,
l'élève ne sait rien (nul en grammaire, nul en orthographe), ne comprend rien, et naturellement se dégoûte de la littérature.
Henri Mitterand s'attache
lui aux programmes du lycée.
Depuis la sixième, et jusqu'en terminale, l'élève se voit annuellement
infliger le discours argumentatif comme finalité indépassable de
l'enseignement du français. Là encore, nulle trâce d'une étude
littéraire des textes. Toute l'attention est à l'étude des objets de la
critique littéraire récente, substitution pour le moins douteuse.
Tzvetan
Todorov poursuit. Et c'est passionnant parce qu'il a participé pendant
huit ans à la commission nationale des programmes. Et parce que les
notions de critique structuraliste qu'il a contribué à faire apparaître
sont à l'honneur dans ces programmes. Bien malgré lui. Todorov est
lucide. Qu'un énoncé soit ancré ou non, quel intérêt ?
Philippe
Sollers s'amuse lui à détailler le contenu d'un manuel Delagrave, le
manuel prisé des pédagos. L'article est l'occasion rare d'un hommage à Kundera et d'une
quasi-réconcilitation avec Le Clézio (Viala fédère). Mais l'inventaire continue.
Sollers remarque que toute la haute culture du vingtième siècle est
évacuée (manuel de seconde Delagrave), que le kitsch fait rage ainsi
que le relativisme culturel ("qu'est-ce qu'un grand écrivain ? Une
réflexion axiologique, bien sûr). A l'index, Muriel Robin voisine avec
Robbe-Grillet tandis que les absents de marque et les juxtapositions
ineptes - Daeninckx en face de Proust - persistent.
Je n'ai, hélas, pas encore lu la deuxième moitié, dans laquelle des articles de Bergounioux, Compagnon,
Fumaroli, Taillandier, Debray, Noguez attirent l'attention.
Prochain article : Guy Roux, entraîneur de l'équipe de France ?