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Le Blog de BHL
7 juin 2005

Le Débat ; comment enseigner le français ? (mai-août 2005, no.135)

Cet après-midi, je prenais connaissance de la dernière livraison de la revue de Pierre Nora, Le Débat (No.135). Ce numéro consacré à l'enseignement du français m'interessait particulièrement ; il constitue la charge de Gallimard et de sa Pléiade d'hommes de lettres voire de praticiens contre la dérive pédagogisante des programmes en vigueur au collège (depuis 1996) et au lycée (depuis 2000).
 

Le numéro s'ouvre sur un entretien avec Alain Viala, responsable de la réforme actuelle. La justification n'est pas facile ; les programmes démontrent chaque jour - dans les classes et les IUFM - la nocivité de leurs intitulés. Ce qui est touchant chez Viala, c'est son insistance à laisser entendre que son interlocuteur, en l'occurence le journal Le Débat, n'est pas tout à fait capable de poser des questions audibles (la maîtrise des discours a sans doute fait défaut à ses rédacteurs ; ils n'ont pas bénéficiés, hélas, de la réforme).
Après cette mise en bouche où la mauvaise foi émaille une tentative de justification, Le Débat sonne la charge, et c'est à la fois plaisant - et révoltant - pour ceux qui depuis longtemps ont formulé ces analyses. Elles sont cependant réunies aujourd'hui sous un seul volume, et dans un équipage qui fera date. Gilles de Robien, au lieu d'écouter le million d'intervenants concernés de près ou de loin par l'Education Nationale, peut lire ce numéro (nous sommes quelques uns à savoir qu'il l'a déjà fait).

La revue débute véritablement avec Mireille Grange et Michel Leroux qui  s'attachent aux programmes du collèges. Il y a là l'essentiel sur l'imposture qui a simplement consisté à décloisonner les différents savoirs relayés par l'enseignement du français, oubliant au passage - et c'est commode - qu'un texte littéraire pouvait produire du sens, des sens.
Sacrifié, le texte littéraire n'est que le valet de notions grammaticales, linguistiques, stylistiques, sémiotiques, orthographiques, sémiosyntaxiques, etc... etc... La liste est infinie. La dilution, digne des meilleurs procédés homéopathiques. Evidemment, l'élève ne sait rien (nul en grammaire, nul en orthographe), ne comprend rien, et naturellement se dégoûte de la littérature.
Henri Mitterand s'attache lui aux programmes du lycée. Depuis la sixième, et jusqu'en terminale, l'élève se voit annuellement infliger le discours argumentatif comme finalité indépassable de l'enseignement du français. Là encore, nulle trâce d'une étude littéraire des textes. Toute l'attention est à l'étude des objets de la critique littéraire récente, substitution pour le moins douteuse.
Tzvetan Todorov poursuit. Et c'est passionnant parce qu'il a participé pendant huit ans à la commission nationale des programmes. Et parce que les notions de critique structuraliste qu'il a contribué à faire apparaître sont à l'honneur dans ces programmes. Bien malgré lui. Todorov est lucide. Qu'un énoncé soit ancré ou non, quel intérêt ?
Philippe Sollers s'amuse lui à détailler le contenu d'un manuel Delagrave, le manuel prisé des pédagos. L'article est l'occasion rare d'un hommage à Kundera et d'une quasi-réconcilitation avec Le Clézio (Viala fédère). Mais l'inventaire continue. Sollers remarque que toute la haute culture du vingtième siècle est évacuée (manuel de seconde Delagrave), que le kitsch fait rage ainsi que le relativisme culturel ("qu'est-ce qu'un grand écrivain ? Une réflexion axiologique, bien sûr). A l'index, Muriel Robin voisine avec Robbe-Grillet tandis que les absents de marque et les juxtapositions ineptes - Daeninckx en face de Proust - persistent.
 

Je n'ai, hélas, pas encore lu la deuxième moitié, dans laquelle des articles de Bergounioux, Compagnon, Fumaroli, Taillandier, Debray, Noguez attirent l'attention.

Prochain article : Guy Roux, entraîneur de l'équipe de France ?
 

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