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Le Blog de BHL
2 juin 2005

Eastwood ou l'unanimité paradoxale (Million dollar baby)

Le dernier film de Clint Eastwood Million dollar baby a suscité une vague d'unanimisme qui m'étonne encore. Les réserves que j'exprimais ne rencontraient qu'un écho distant. Pensant aux réserves qui accompagnent - en pluie drue - chacun des films d'Altman, de Rohmer ou de Resnais, je reste songeur.

Si Million dollar baby
n'est pas un mauvais film, il ne me semble être tout de même qu'un film assez banal, sans guère d'aspect enthousiasmant. Je vais lister brutalement mes réserves. Nous verrons bien ce que cela donne.

La boxe féminine m'intéresse sans doute moins que les affres d'un peintre (et d'un modèle). Exemple : La belle noiseuse.

Un film de boxe (et de sport) me semble constituer l'espace idéal pour toute manipulation. Le scénariste dispose du combat à sa guise or le sport ne me semble guère écrit par des scénaristes mais plutôt le fait de ses acteurs (le récent match Liverpool - Milan AC écrit par un scénariste sonnerait parfaitement creux ; n'appartenant qu'aux joueurs, il s'assure une bonne place dans les mémoires).

La morale sous-jacente de la jeune fille pure (un peu simple), volontariste et méritante, cumulant l'ardeur de sa passion (la boxe) la conduisant au sommet (avant l'inévitable déchéance) plaquée sur l'abnégation réitérée d'une serveuse fidèle à son emploi me paraît d'un mauvais goût consommé (Mulholland Drive s'organise autour de cette opposition plus courante, d'une part la star, la vedette, de l'autre, son alter ego, double parfait, et pourtant simple serveuse ; cela me semble plus honnête intellectuellement, et moins proche des phantasmes sociopolitiques des ultras républicains).

La scène du dernier combat me semble le summun de la manipulation : le spectateur devient soit rétif soit vraiment masochiste. Et loin de s'achever sur un générique, il faut alors endurer toute une dernière partie, violons et didactique, sur les méandres d'une euthanasie.

Cette scène en particulier ne passe pas, celle où la valeureuse, sympathique et méritante boxeuse, toute à son euphorie, se laisse une nouvelle fois surprendre par un coup interdit de son adversaire, "l'Allemande !". Notre héroïne s'effondre sur le tabouret que le scénariste et entraîneur (Clint Eastwood) avait hâtivement et malencontreusement placé, et que le même grand et terriblement bon acteur Clint Eastwood va tenter - dans un ralenti inoubliable - d'enlever, mais non, c'est trop tard, et la pauvre serveuse-boxeuse vient se rompre la colonne au vraiment mauvais endroit puisque c'est à la hauteur des cervicales et que ça, ça introduit au minimum une réflexion de trois quart d'heure sur l'euthanasie, vu que la boxe, c'est fichu et que Keats, contrairement à cet entraîneur sublime qu'est Clint Eastwood, ça ne l'intéresse pas. Donc, bye, bye, jeune fille. La boxe lui a suffisament donné de joies, de rêves. Elle peut y aller. Ciao.

Une remarque, si Clint Eastwood voulait vraiment qu'elle ne tombe pas sur le tabouret, il n'avait qu'à retoucher son scénario (inutile de faire tout ce chiqué avec ralenti alors que c'est lui qui l'a mis ce tabouret).

D'autres remarques suivront (ce film m'a irrité).

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